jeudi 15 décembre 2016

- (REVIEW / CLAIRE-ISSA'S CORNER) "MANCHESTER BY THE SEA" - DE KENNETH LONERGAN - AVEC CASEY AFFLECK + MICHELLE WILLIAMS -


En tant que fervente défenseuse de la diversité au cinéma, je me sens coupable, en 2016, de m’enthousiasmer pour un film comme Manchester By The Sea. Je suis souvent la première à dire « Ugh ! Encore un film indépendant américain sur la vie misérable de la classe ouvrière blanche sortie du festival de Sundance ! ». D’ailleurs le synopsis ne nous vend pas autre chose : MANCHESTER BY THE SEA nous raconte l’histoire des Chandler, une famille de classe ouvrière, du Massachusetts. Après le décès soudain de son frère Joe (Kyle Chandler), Lee (Casey Affleck) est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick (Lucas Hedges). Il se retrouve confronté à un passé tragique qui l’a séparé de sa femme Randi (Michelle Williams) et de la communauté où il est né et a grandi.


Sur le papier, c’est typiquement le genre de film que tu stream les dimanches après-midi pluvieux et que tu oublies le lendemain. Et pourtant… Ça fait plusieurs semaines maintenant que je me creuse la tête pour tenter de décrypter la formule magique de Kenneth Lonergan. Comment ce film aussi simple presque ordinaire peut-il être aussi bouleversant ? Comment ça marche ? Pourquoi ? Le scénario n’est pas une explication suffisante. Mais voilà mon erreur : je cherche à intellectualiser un film qui ne parle que de l’humain. Un grand film anti-cinéma. Alors qu’on y va pour échapper au train-train de la vie quotidienne, Lonergan nous propose de la regarder droit dans les yeux dans toute sa banalité. La mise en scène est sobre, la direction photo est modeste, les acteurs jouent tout en retenu. Paradoxalement c’est peut-être dans sa simplicité que le film trouve son originalité. Consommateur avide et habitué de grandes tragédies, de Shakespeare à Jack Dawson (spoiler alert ^^) à la fin de Titanic, on est moins accoutumé à ce qui se passe le lendemain. Le moment où l’univers nous dit « la vie continue ».

Et le film, comme la vie, n’est qu’un enchainement de scènes qui ne sont jamais vraiment coupées au moment où on les attend, avec des longueurs qui durent exactement le temps qu’il faut. Il n’y a pas de temporalité clair. Le réalisateur ne nous laisse aucun moyen de distinguer le passé du présent mis à part le contexte. Pas de « 1 mois plus tard » ni de « 1 an plus tôt », pas de noir et blanc ni de sépia.

Le scénario ne permettra aucun pathos. Ce mélodrame ne virera jamais au mélodramatique. Vous attendrez en vain une fameuse scène cathartique où les personnages se libéreront de toutes les émotions retenues à la surface. Lee demeurera éternellement bloqué à l’avant-dernière phase du deuil. Il attendra à jamais la punition qu’il croit mérité et tout ce qu’on lui proposera en retour, c’est du soutien. Manchester By The Sea, le nom de la ville où se passe « l’action », est plus qu’un film sur le deuil et la haine de soi. C’est sur cette impossibilité d’échapper à son passé. Lee ne veut pas l’aide de son entourage qui, en tant que témoin, sont des rappels de sa tragédie.

À quelques mois du verdict, il semble assez évident que Casey Affleck gagnera l’oscar du meilleur acteur. En janvier cette quasi certitude ne semblait pas si évidente. On les connaît les membres de l’académie. Ils aiment les transformations, les réincarnations, les yeux rouges et les nez qui coulent. La sobriété, ça les ennuie et Affleck n’est pas dans la démonstration. Il nous offre malgré tout la meilleure performance de sa vie. En revanche, je ne peux m’empêcher de penser que si le personnage avait été une femme, le spectateur aurait éprouvé moins d’empathie. Et en parlant de femmes, voilà où Kenneth Lonergan échoue. Les personnages féminins, comme souvent dans le cinéma, ne sont que des outils pour faire avancer ou stagner l’histoire des protagonistes masculins. Heureusement pour l’auteur il a su compenser cette rare faiblesse scénaristique par un casting impeccable : Michelle Williams. Elle ne doit pas apparaître plus de 20 minutes dans ce film de plus de 2h mais celui-ci n’existerai pas sans elle et sa justesse. Dois-je vous rappeler qu’elle a fait ses débuts dans Dawson's Creek ? Que de chemin parcouru. Elle est absolument époustouflante.

Vous ne pleurerez surement pas pendant le film. Il est trop vrai et pas assez manipulateur pour ça (je ne me rappelle même pas avoir entendu de la musique). Mais peu importe le temps qu’il faudra ou la solidité de votre cœur de pierre, il finira brisé.



Claire-Issa pour Crazy Micky

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